Mon "plus beau cadeau de Noël" ou J'ai les boules-de Noël-
Mon plus beau cadeau de Noël? Que cette phrase n'ai jamais été prononcée. J'étais là, le jour de l'évacuation des 113 enfants haïtiens. J'étais là, à des milliers de kilomètres de Roissy et des flashs des journalistes qui attendaient leur conte de Noël. J'étais là dans la résidence de l'ambassadeur de France à Haïti où devaient se retrouver 113 enfants et autant de parents français venus chercher leur "plus beau cadeau de Noël". J'étais là quand cet enfant a commencé à se taper la tête contre le mur, j'étais là encore quand cet autre paquet-sous-le-sapin s'est roulé par terre en hurlant le nom de sa nounou qui partait les larmes aux yeux. J'étais là quand cette petite fille appelait sa maman, alors que sa future la serrait dans ses bras pour la convaincre qu'en fait, c'était elle, sa vraie maman. J'étais là quand cette journée du 21 décembre qui promettait d'être une émouvante journée de retrouvailles s'est muée en déchirante séparation.
J'étais là quand ce journaliste d'une grande radio française a détourné le regard de ce petit bébé qui essayait vaillamment de grimper aux grilles de la Résidence de l'ambassadeur pour rejoindre sa nurse, une jeune religieuse qui s'en allait tristement. J'étais là quand Laura, 2 ans, paniquée par le tourbillon des parents et du personnel médical, m'a attrapé la jambe en m'appelant "Maman". J'étais là quand l'essaim de pédo-psychiatres et de médecins qui ne parlaient pas créole, essayaient vainement de rassurer les petits qui ne comprenaient pas pourquoi celles qui s'étaient occupés d'eux pendant deux ans ou plus, leurs disaient adieu.
J'étais là quand l'opération communication-de-l'amour-de-Noël a tourné au vinaigre. J'étais là aussi quand tout cela est passé inaperçu. Pourquoi briser le happy end de "la galère des parents français"? Pas vraiment le moment de parler des réalités de l'adoption à Haïti. Personne pour dire que 80% de ces enfants ont toujours leurs parents biologiques et qu'une partie des petits cadeaux de Noël n'ont pas de jugement d'homologation. Encore moins pour expliquer que mettre 113 enfants dans une résidence, autant de parents dans un gros Boeing, de rassembler tout ce beau monde et de les faire partir tous ensemble "le plus vite possible" c'est pas une bonne idée. Comment, dans la panique de faire décoller l'avion-pour-pas-qu'il-soit-bloqué-à-Paris-par-la-neige-et-que-les-deux-ministres-se-soient-déplacés-pour-rien, la rencontre ou les retrouvailles peuvent-elles être apaisées?
Et pourtant. Il y avait peut être un conte de Noël à raconter. Celui de ces quelques parents qui ont préféré partir de leur côté en se disant que passer quelques jours, voire plusieurs semaines à l'orphelinat avec les enfants, histoire de faire la transition, c'était une meilleure idée.
Mais non. Il fallait l'histoire avant Noël, pour que le petit soit sous le sapin. Il fallait 113 enfants à Roissy, pour que la nouvelle ministre Père Noël ne se déplace qu'une fois. Elle et ses amis devaient passer pour "les sauveurs" de ces petits choqués par l'abandon, choqués par le séisme, choqués par le cyclone, choqués par le choléra et choqués par les conditions de vie dans leurs orphelinats ravagés. Et, il faut le dire, choqués par cette évacuation d'urgence. Mais cette fois, l'urgence.... d'une opération communication.